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 You Heard it Too

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Noah D. Meadow
MASTER OF ILLUSIONS

Noah D. Meadow
Féminin
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↳ Age : 33
↳ Avatar : Hugh Dancy
↳ Age du Personnage : 36 ans physiquement, mais 785 ans en réalité
↳ Métier : Psychiatre
↳ Opinion Politique : A voile et à vapeur, là où l'intérêt le porte, soit essentiellement le Gouvernement puisqu'il pourrait lui permettre une petite ascension sociale qui ne serait pas de refus.
↳ Niveau de Compétences : 4 avec une préférence pour la magie noire et les fessiers joufflus
↳ Playlist : ♫ haunted - radical face ♫ obstacles - syd matters ♫ otherside - what about bill? ♫ leis ganz leis - oomph! ♫ million miles - dizraeli and the small gods ♫ the first circus - the real tuesday weld ♫ idgaf - watsky ♫
↳ Citation : Ira furor brevis est
↳ Multicomptes : Roman A. Ievseï & Lazlo J. Andersen
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MessageSujet: You Heard it Too    You Heard it Too  EmptyLun 2 Juil - 0:35





Cassidy&Noah
You Heart it Too


Prudence. Liam avait beau lui avoir assuré que la ligne était entièrement sécurisée, avait même probablement utilisé des termes compliqués et résolument modernes pour appuyer sa déclaration, Noah ne le croyait pas entièrement. Tout du moins si, il le croyait, mais à un certain degré. Les téléphones étaient une toute autre forme d'hérésie que le monde moderne avait inventé, à ses yeux. Une parmi tant d'autres, qui se positionnait entre l'arme nucléaire et la télévision. Pratique, mais destructrice. Rare et coûteuse. Il ne s'était pas même rendu compte de la valeur d'un tel objet pour ses contemporains, la première fois que le Ministre lui en avait glissé un dans la paume. D'un banal assemblage de métal, de verre et de plastique, l'objet s'était progressivement mué en trésor inestimable. Et pourtant, le psychiatre disposait d'au moins trois de ces exemplaires, sagement rangés dans leurs emballages en carton, intouchés au fond de son bureau.
Enfin, il n'en disposait plus que d'un, à présent. Le premier était parti dans la poche du jean trop serré de Mikkel Ievseï. Un deal, d'une certaine manière, entre les deux hommes. Le plus jeune voulait un téléphone. Noah voulait poursuivre leurs entrevues afin d'en savoir plus sur ses pérégrinations sous sa nouvelle nature. La boite était restée sur son bureau, désespérément vide, peu après que le Russe soit parti avec son précieux butin.
Le second quant à lui n'aurait jamais du partir avec son nouveau propriétaire, du fait de ses positions bien trop radicales envers le fournisseur de matériel. Et pourtant, la question ne s'était pas même posée pour le psychiatre. Cassidy aurait pu refuser le cadeau, il aurait pu refuser de se soumettre à un outil confié par le Gouvernement même qu'il combattait. Ils auraient pu trouver d'autres méthodes de communication, moins sûres, plus longues, pour ne plus avoir à se sentir éloignés l'un de l'autre. Mais il ne l'avait pas fait. Et, en acceptant de devenir le maître du deuxième appareil, il ne s'était même pas rendu compte qu'il devenait aussi le propriétaire de tant d'autres choses.

C'était peu et tout, ce téléphone. Une toute petite boite qui faisait du bruit, qui vibrait Dieu seul savait comment, qui distribuait des courriers qui n'avaient ni le poids ni l'odeur du papier. Unique réceptacle de conversations qui n'auraient eu rien de privé pour peu que la ligne ne soit pas sécurisée. Liam avait eu beau lui expliquer que ce n'était pas de la magie, il fallait reconnaître une certaine valeur mystique à l'appareil. Parce qu'être capable d'entendre la voix de Cassidy rien qu'en appuyant sur un bouton, après toutes ces années de silence, c'était de la magie. Le savoir vivant était un prodige, le savoir proche était un miracle. Lui parler longuement, une fois la Nouvelle Orléans assoupie pour le meilleur comme pour le pire, était divin.

Mais il y avait bon nombre de choses qu'ils ne pouvaient pas se dire au téléphone. Les murs avaient des oreilles, les appareils avaient des micros. Leurs conversations étaient toujours neutres, toujours bien plus distantes que ce qu'ils auraient voulu. Ne jamais utiliser leurs noms, toujours rester évasifs sur les sujets qu'ils abordaient. Une proximité qui n'en était pas une, qui faisait s'accroître la frustration, qui creusait le manque. Peu importaient les paroles, il leur manquait les actes. Peu importait la voix, il manquait le reste.
L'ombre de Cassidy l'avait accompagné, peu après leur dernière entrevue. Elle l'avait suivi quoi que Noah fasse, s'était lovée dans la lumière, s'était glissée le long de ses bras pour lui montrer qu'elle était toujours là. Une présence fantomatique avec laquelle Noah aurait voulu communiquer. A quoi bon pouvoir invoquer les esprits, à quoi bon savoir les exorciser, s'il ne pouvait lui parler à elle ? Mais elle n'était pas un spectre. Et, comme toute illusion, elle avait fini par s'effacer pour céder place à toutes les autres.
Les ombres immobiles, les ombres matérielles. Celles qui peuplent toute une vie, et auxquelles on ne prête aucune attention parce qu'elles ne nous répondent pas. Parce qu'elles ne revêtent aucune forme d'importance.

La routine avait repris, avec ses habitudes, toujours les mêmes, qui laissaient cette saveur insipide sur la langue du psychiatre. Le monde n'allait toujours pas mieux, bien au contraire. Les âmes se chargeaient de mots supplémentaires, et la sienne avec. Jusqu'à ce que le téléphone ne se rappelle à son souvenir, et que chaque message ne perce un puits de jour dans la grisaille routinière. Chaque mot, chaque sonnerie, les rapprochait un peu plus. Il n'était plus question que de communiquer à couvert, après quelques semaines. Il était question de se revoir. Jusqu'à cet appel de quelques secondes pour se donner l'impression que personne ne pourrait les surveiller.
Innocents comme des enfants.

Cassidy lui avait donné rendez-vous dans un coin reculé de la Nouvelle Orléans, oublié de tous. N'ayant plus vu d'humain depuis la nuit des temps, la végétation avait repris ses droits sur le quartier abandonné. L'herbe poussait dans des îlots de terre qui avaient jailli hors du bitume, les arbres étaient si hauts qu'ils déchiraient le ciel. Les odeurs de la ville s'atténuaient un peu plus à mesure qu'il suivait le chemin, une ancienne route désaffectée depuis bien avant la prohibition. Engoncé dans ses habits, trop bien coupés pour cette débauche de verdure, Noah se sentait étranger à cette zone. Ses talons s'enfonçaient dans les vestiges de la route, épousant ici la route, là une motte de terre. Un paysage désolé qui rappelait les hérésies de Darkness Falls.
Un papier avec les indications de Cassidy griffonnées à la hâte sous le nez, il poursuivit sa route, et bifurqua entre deux fourrés sur une piste de terre battue. Les squelettes décharnés des bâtisses abandonnées couvraient sa progression de leurs ombres déformées, lui conférant une étrange sensation de bien-être. Les vestiges d'une époque révolue flirtaient avec le renouveau, leurs alliances offrant au passant toute la discrétion dont il pouvait avoir besoin. A mesure qu'il progressait, Noah pouvait comprendre pourquoi son ami avait choisi cet endroit.
Jusqu'à déboucher sur une zone plus plane, plus calme. A l'horizon, il pouvait apercevoir une caravane rafistolée avec les moyens du bord. Eloignée du monde extérieur, et pourtant bien plantée en son sein, comme un pied de nez au système. Spontanément, l'Italien eut envie de rire. Oui, il comprenait, à présent.
Cet endroit était à l'image de son ami. Un mélange de neuf et d'ancien, un foyer mobile et intemporel, qui n'obéissait à aucune des règles de la société moderne. La liberté, entre les murs.

Le pas plus léger, Noah finit par se rapprocher de la structure, serrant son téléphone dans son poing. L'appréhension creusait son ventre, un peu plus à chaque fois, un peu plus à chaque pas. Cassidy était-il chez lui, seulement ? L'attendait-il ? Ses doigts s'enfoncèrent dans le plastique noir de l'appareil. Et si, depuis leur dernière conversation, il avait été repéré par le Gouvernement ? Et si tout cela n'était qu'une chimère, une autre, une douce illusion provoquée par son esprit qu'il savait résolument malade ?
Ses pas ralentirent, alors qu'il arriva au niveau de la caravane. La tôle ne faisait aucun bruit malgré le vent, le calme olympien qui régnait tout autour de lui résolument inquiétant. Sentant cette torsion annonciatrice de mauvais pressentiment au creux de son estomac, il risqua un coup d'oeil à travers la fenêtre abîmée de la caravane. Appela doucement, incertain.

-Cassidy... ?

Il n'entendit que le vent, pour toute réponse. Le vent, et le roulis de quelque chose de métallique contre une surface en bois. Un mouvement lent, trop lent, qui s'acheva sur un bruit sourd. L'objet était tombé au sol, de l'autre côté de la caravane, brisant le calme environnant. Déglutissant lourdement, le cœur en travers de la gorge, le sorcier se hasarda à contourner la bâtisse. Se prépara à lancer une illusion pour obstruer les sens de qui que ce soit qu'il pourrait croiser, pour peu que ce ne soit pas son ami.

Une silhouette imposante barra son champ de vision, et Noah céda à ses propres nerfs. D'un coup de pied vif au sol, il détourna son attention et, s'aidant de son propre corps, balaya l'air du bras pour concentrer son énergie. L'autre personne, qui qu'elle fut, fut plongée dans une bulle d'un noir d'encre. Les meubles, la caravane, le sorcier lui-même, plus rien n'était visible.
L'illusion était puissante, suffisamment pour permettre au sorcier de mieux évaluer le danger et savoir qui était la personne en face de lui. Ce fut sa voix plus que sa silhouette qui lui mit la puce à l'oreille.
Ce n'était pas un intrus. C'était Cassidy lui-même. Le néant de l'illusion partit en une fumée opaque, dense, et finit par laisser place à aux rayons d'un soleil trop intense pour être honnête. Laissant tomber sa garde, le sorcier comprit son erreur. Resta planté là, les nerfs encore trop à vif pour se ressaisir complètement.

-Je me suis fourvoyé, j'ai cru que ta sécurité avait été compromise...

Un risque certain, mais pas actuel, il le réalisait à présent. Toujours était-il qu'il n'avait pas prévu que leurs retrouvailles se passeraient de la sorte. A croire que cette fébrilité qu'il avait ressentie en traversant la végétation pour rejoindre les lieux n'était au final que la manifestation de ses propres inquiétudes. Une peur viscérale qu'on lui arrache brutalement la seule personne à laquelle il avait envie de se raccrocher.
La première depuis des centaines d'années.

-Peut-être que le danger ne vient pas seulement du Gouvernement, en ce qui te concerne.

Plissant les yeux vers sa propre main, il grimaça. Toute cette situation était par trop nouvelle pour l'homme rompu aux habitudes qu'il était devenu dernièrement. Mais il finirait bien par s'y faire. Parce que l'expression de son compagnon, si belle qu'elle lui arracha un sourire penaud, valait bien toutes les entorses à la routine du monde. Naturellement, il finit par se détendre. Finit par rejoindre son ami, par enrouler ses bras autour de sa taille dans une étreinte qui ne s'était faite que trop attendre. Son front chercha le sien pour s'y poser finalement. Un contact toujours aussi électrique, qui apaisait les maux. Qui chassait les peurs.

-Penses-tu pouvoir puiser en toi la force de me pardonner, une fois de plus ?

Un murmure, assorti d'un sourire goguenard. Il n'y avait pas eu de mal, juste de la surprise. Cassidy pourrait le chasser, lui rendre la monnaie de sa pièce, le rabrouer. Mais quelque chose lui disait qu'il ne le ferait pas. Peut-être le souvenir qu'apportait ce contact, front contre front. Leurs dernières retrouvailles avaient été bien plus intenses que celles-ci, bien plus douloureuses, aussi. Toutefois Noah ne manqua pas de noter mentalement de ne pas avoir à se faire pardonner quelque chose à chacune de leurs entrevues.
Même s'il n'y avait pas eu de mal, aucun mal, il allait devoir faire plus attention.
A ça, comme à cette envie de laisser glisser ses lèvres contre sa tempe, contre sa joue. Peut-être que c'était vraiment ça, cette sensation au creux de son estomac. Cette terreur profonde de franchir le pas de trop, et de réduire à néant tout ce qui les rapprochait.



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Cassidy H. Valdès
SUCKER FOR PAIN

Cassidy H. Valdès
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MessageSujet: Re: You Heard it Too    You Heard it Too  EmptyMer 11 Juil - 17:36


« I'll be there with you »



Noah & Cassidy
You Heart it Too


Ce chapeau en feutre noir semble provenir d'un autre temps. Lorsque je m'en coiffe, je n'ai qu'à fermer les yeux pour entendre résonner les voix du passé, comme si elles étaient restées cachées sous ce couvre-chef depuis des décennies. Je préfère les écouter plutôt que de laisser les souvenirs de mes proies me hanter. Ce sont les voix de Ica, de Traïan, de Saveta, ce sont ces chants à la veillée, ce sont les échos lointains des notes du violon et de ses mélodies mélancoliques. Sous le soleil pesant de cette fin d'après-midi, ce chapeau rond me protège des rayons agressifs mais pas de mes pensées ; le gadjé que je suis reste influencé par cette culture qui m'a nourrit jusqu'à l'âge d'homme. On ne dévoile pas son nom aux étrangers. On ne parle pas du passé. Et même aux morts on ne demande que de se faire oublier. Pour vivre dans un éternel présent. L'accumulation de biens importe peu pour les Tsiganes ; l'essentiel est de vivre et de subsister au jour le jour, et ce mode de vie simple que j'ai choisi de retrouver, à l'écart de ce système corrompu, ne pourrait pas mieux me convenir.

Mais moi, je ne peux pas faire autrement que de penser aux morts. Ceux que j'ai semé sur mon passage, ceux que j'ai été incapable de sauver. Les manches de ma vieille chemise retroussés jusqu'aux coudes laissent apercevoir ma peau halée alors que je m'occupe à poncer cette vieille table de chêne, au beau milieu de ce terrain où je suis installé. Réparer des meubles que je récupère dans ces vieilles bâtisses abandonnées me permet de les offrir aux plus démunis qui souffrent plus que jamais ces derniers temps. Dans leur stupidité, les dirigeants du Gouvernement ont dilapidé les réserves de nourriture sans penser à l'avenir et désormais, la population crève de faim pendant que les riches continuent à se prélasser dans les excès. Ce sont encore une fois les plus pauvres qui paient les erreurs de ces porcs, en étant soumis à un injuste rationnement. Je veux assumer la situation des opprimés, partager leur sort, et lutter avec eux, et non pour eux. Il n'est pas question pour moi de pitié, ni d'amour de la misère, mais je prend position en faveur des humiliés qui luttent pour une existence digne. Je ne cesse de dénoncer ces abus dans les articles de The Mission, le journal de la Résistance, je montre également l'exemple en prêtant main forte aux nécessiteux, mais je ne pourrais me contenter que de cela. Alors, je tue. La fureur ne me quitte pas tandis que je me défoule sur ces meubles, la sueur du travail perlant contre mes tempes.

Colère. Elle roule dans mes veines, en même temps que cette énergie vitale que j'ai dérobée à mes ennemis, leur arrachant à la fois leurs souvenirs qui dansent encore en moi. J'ai tué de mes mains ces Shadowhunters, j'ai aspiré leurs vies et j'ai abandonné leurs cadavres desséchés dans les ruines de la vieille cité, les camouflant avec l'aide d'Alejandro avant de rassembler notre butin. Les vivres qu'ils gardaient pour le club des nantis ont ainsi été distribués à des familles dans le besoin, par l'intermédiaire de Lazlo, de Riley et d'autres compagnons de la révolution. Un partage équitable pour une fois, et qui ne sera pas gâché sur les tables des riches qui s'engraissent et se permettent de laisser pourrir le superflus. Mes amis ont pu se nourrir pour survivre, sans que je n'ai rien eu besoin de garder pour moi. Parce que je ne suis plus humain, parce que les nourritures terrestres  ne me nourrissent plus. Parce que même après avoir dévoré toutes ces âmes, même alors que la ronde de leurs mémoires me submerge, mon appétit d'ogre insatiable reste constamment en éveil. Comme si je n'étais moi-même qu'un zombie doué de conscience.

Les Roms ne veulent pas que les morts reviennent. Ils savent que l’âme ne se résigne pas et qu'elle pourrait surgir à l’improviste et qu’elle apporte avec elle le malheur et les maladies. Ils la désaltèrent et la nourrissent, par prudence. Ils savent qu’elle a une soif immodérée et qu’elle pourrait revenir parmi les vivants juste pour une petite goutte d’eau. Parfois, pour l’éloigner, il ne suffit pas de lui donner ce qu’elle réclame. Il faut partir, se déplacer continuellement. Le nomadisme s’explique en partie de cette manière. Seul le mort a droit à une terre.

Et moi, suis-je mort ou vivant ?

Hier, on a enterré Baretta, un jeune homme de 21 ans tué comme un chien à coups de fusil par un shadowhunter. Il avait commis l'erreur de critiquer le gouvernement en public, écœuré par l'injustice de ce système qui avait laissé son père mourir lors des raids de ravitaillement. Sa mère se retrouve seule avec ses plus jeunes enfants, dans la misère la plus noire, comme tant d'autres. Et même si nous les entourons du mieux que nous le pouvons, nous ne pourrons jamais leur rendre ce qu'on leur a volé. Pendant que le peuple souffre, le président et ses ministres ne songent qu'à développer une technologie de plus en plus perfectionnée pour mettre en scène des jeux sanglants ; ces psychopathes décérébrés sont aujourd'hui obligés de compter sur une communauté de sauvageons pour leur fournir leur pain quotidien. Sombres abrutis, la haine que je leur porte s'anime dans chacun de mes mouvements.

Pourtant, dès que je pose les yeux sur cet objet, si ridiculement petit que je conserve au fond de ma poche, la fureur s'apaise pour laisser place à des sensations confuses. Et dès que son vrombissement silencieux vibre pour m'annoncer des messages, une émotion des plus agréable m'envahit, faisant naître un pétillement de joie dans mes yeux si ombrageux. Sans doute devrais-je le haïr, sachant d'où il provient, mais ce téléphone miraculeux me permet de conserver un contact inespéré avec Noah, de profiter de sa voix suave, où ressort parfois ce léger accent italien que j'aime tant, de percevoir ses rires alors que nous parlons de sujets légers, de ressentir sa présence si proche et si lointaine à la fois. Et dans ces instants où nous discutons, j'en viens à oublier tout le reste, au point de me surprendre moi-même de la facilité avec laquelle je plonge dans cette bulle chaleureuse de nos conversations, comme si plus rien d'autre n'existait et que je n'étais plus qu'un enfant insouciant.

Sans doute suis-je fou de l'avoir invité à me rejoindre. Mais Noah m'a ramené à la vie. J'ai eu longuement l'occasion de méditer sur ces transformations qui se sont opérées en moi. Je sais aujourd'hui que cette nuit que nous avons passée côte à côte m'a rendu cette sensation si longtemps oubliée d'être vivant. Ce n'est pas que mon corps qu'il a arraché aux tourments de la mort. Par sa seule présence, il a le don de chasser les spectres qui assombrissent mon âme...
Lorsque je plonge mes mains dans cette bassine d'eau, pour me rafraîchir le visage, mon chapeau dans une main pour passer un linge humide contre ma nuque, la longueur des ombres m'apprend qu'il est bientôt l'heure. Viendra-t-il ?
Il m'est arrivé de pénétrer au cœur de rêves étranges, une fois assoupi, des rêves qui ne m'appartenaient pas et que j'observais comme derrière une vitre. Une silhouette se reflétait alors dans des miroirs brumeux et j'apercevais ses grands yeux verts imprégnés de mélancolie et d'une solitude indescriptible.
L'affection que je ressens pour Noah Meadow remonte à bien longtemps, c'est un amour pur, comme un fil d'or invisible que nous avons tissé en prison et qui nous lie l'un à l'autre. Cette ambiguïté dans mes sentiments m'est infiniment troublante et si je l'ai longtemps refoulée, je ne peux plus l'ignorer depuis notre dernière entrevue. C'est pourtant bien plus qu'une attirance physique, c'est tout ce qu'il y a de cassé en lui que j'aime, cette déchirure qui se ressent dans la sensibilité de ses œuvres d'art, cet endroit inaccessible où il cache sa tristesse. Ce n'est pas simplement la tristesse au quotidien qu'elles expriment, cette souffrance ordinaire, que tout le monde éprouve à cause des choses et des gens qu'on a perdu. Non, sa fracture à lui est différente. Et si j'arrivais à la trouver et à la lui enlever, alors je serais si heureux...

Lorsque cette voix douce murmure d'un ton hésitant, je la perçois aussitôt, par delà les frondaisons des arbres. Je ne cessais de guetter un signe de sa présence, un sourire naturel étire mes lèvres et j'inspire profondément, profitant quelques secondes de ces étranges ressentis qui m'envahissent. Le cœur qui se soulève étrangement, gonflé d'une joie si profonde qu'elle en est déconcertante, cette impatience grandissante qui me rend fébrile. Je laisse alors retomber mon outil pour contourner les buissons et passer de l'autre coté de la caravane qui me bloque la vue sur le sentier. Les bruits de pas se sont interrompus et, pendant que je me faufile dans l'enchevêtrement de feuillage, j'appréhende dans un mélange de trac et d'impatience le moment où je le verrai enfin. Je n'ai le temps que de percevoir un craquement sur le sol avant que soudain, ma vue se brouille, comme si j'étais brusquement plongé dans un océan de ténèbres. Une attaque ? Je me tend, tous les sens aux aguets. Levant les bras devant moi, dans un réflexe, je tente de me concentrer sur les sons et les odeurs pour compenser cette brutale cécité mais je ne perçois que la présence de mon cher Noah, devant moi et c'est avec soulagement que je souffle.

« Tu veux me priver de te voir encore plus longtemps ? Tu es vraiment sans pitié, Noah... »

Même privé de ma vue, mes autres sens ne pourraient me mentir, aussi ma voix n'est teintée d'aucune réelle inquiétude même si la surprise s'y inscrit. Lorsque cette brume compacte se dissipe pour s'évaporer dans l'air, la luminosité soudaine me fait cligner des yeux sous les bords de mon chapeau. J'ai besoin de quelques secondes pour que ma vue s'adapte à l'éblouissement et que la silhouette du sorcier m'apparaisse, sa beauté angélique et son élégance tranchant dans ce décor misérable. J'en reste un moment sans voix, croyant presque à un mirage tant j'ai espéré sa venue. Lorsque je le fixe, un peu trop intensément, j'ai la sensation que mes yeux sont avides de le contempler. Mais le ton de sa voix, si désemparée et trop grave m'arrachent de ma contemplation dans un éclat de rire chaleureux.

« Si empressé de me défendre que c'est moi que tu attaques ? Je n'ai jamais entendu une pareille excuse de la part d'un ennemi, mais c'est original ! »

En dépit de mon ton réprobateur, je ne pourrais empêcher l'affection de teinter ma voix et mon regard, même si je le voulais. Ses grimaces me font sourire derrière ma barbe, même alors que je plisse le front pour accréditer ses paroles, dans une fausse gravité. « C'est même certain. Je pense que j'ai devant moi le plus grand danger que je pourrais jamais rencontrer... Mais sache que même aveugle, je parviendrai toujours à t'attraper. » Et c'est sans la moindre retenue que je m'avance, un sourire lumineux aux lèvres, tendant déjà les bras vers lui, dans la hâte de le toucher et de le sentir contre moi. C'est un danger, en dépit de mes boutades, rien ne pourrait être plus véridique, mais j'ai choisi de m'en moquer en lui demandant de me rejoindre, j'ai choisi de faire un pied de nez au destin et de me moquer des conséquences, parce que l'envie de le revoir dépasse de loin toute prudence ou raison. Et lorsqu'il se glisse dans mon étreinte, mes bras enveloppant ses épaules, les siens s'enroulant autour de ma taille avec le même naturel, j'ai la sensation de respirer à nouveau, comme si j'étais resté en apnée pendant ces si longues semaines de séparation. Mes yeux se ferment tandis que nos fronts se rejoignent, comme si nous pouvions encore échanger nos pensées par le biais d'une symphonie d'images et de couleurs. Ce simple contact chasse alors toute mon appréhension, parce que cette affection brute qui nous unit dissipe aussitôt les questions et les incertitudes. Sa demande m'inspire un sourire en coin tandis que j'entrouvre les yeux pour saisir son air malicieux.

« Laisse-moi réfléchir... pour que je te pardonne, il va falloir que tu expies d'une façon ou d'une autre. Je pourrais peut-être commencer en te forçant à goûter à mon infusion maison ? Si ça ne te tue pas, tu seras à moitié pardonné. »

Sans doute cette décoction d'herbe et de plantes sera-t-elle plus amère que ces thés délicats et parfumés qu'il a l'habitude de consommer. Ma bouilloire n'est pas loin, prête à son intention sur les braises du feu de camps conservé dans un cercle de pierres blanches. J'ai pris soin d'aménager un endroit confortable, à l'abri du auvent de la caravane, un large canapé défraîchi par les intempéries a été recouvert d'épaisses couvertures pour amortir les pointes des ressorts qui transpercent le tissus. Ici, au grand air, dans ce foisonnement de fleurs sauvages et de hauts arbustes qui poussent entre les mottes de terre, nous sommes totalement coupés du monde. Pourtant, c'est loin d'être un invité ordinaire que j'ai convié dans mon campement. Et si le souvenir de ce baiser furtif me trouble encore, j'ai bien du mal à m'arracher à cette étreinte pour l'emmener s'installer à l'ombre, loin de ce soleil impitoyable qui chauffe sa tête. Ma main calleuse effleure les boucles brunes tandis que je me détache de son visage pour mieux le contempler. Dieu, ce que cet homme m'a manqué.

« Je t'ai incité à te hasarder dans cette zone sauvage, pour le plaisir égoïste de te voir. C'est toi qui devrait me pardonner de t'imposer une marche aussi périlleuse. Mais je t'avoue que je ne parviens pas à en éprouver le moindre regret. »

Ce n'est qu'une admiration émue qui brille dans mon regard radieux. Il était donc prêt à me défendre contre de potentiels agresseurs ? Subir ses dons d’illusionniste ne manquent pas d'attiser en moi cette amertume et cette frustration d'être désormais incapable de faire de même. Pourtant, loin d'en éprouver de la jalousie, je suis heureux d'avoir été témoin de sa puissance et de ses réflexes qui me rappellent sa force de sorcier et apaisent mon angoisse de l'imaginer en proie à des agresseurs. En guise de punition, je n'aimerais que l'embrasser à lui en couper le souffle... Cette pensée honteuse me pousse à le relâcher doucement. « Ah Noah... Noah Meadow. Viens donc prendre quelque repos, avant que je ne m'oublie et que je ne tente de te dévorer. »



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