I don’t know whether to call her the devil when she makes me pray hard but sin even harder.

Ses lèvres se cambrent dans un rictus sournois, alors que sa tête chavire lentement. Ses yeux, plongés dans le marbre et les ténèbres, torsadent vers la silhouette du ministre. Il est drapé dans l’orange carcéral, et son visage, lui, noyé dans l’épuisement. Il a mauvaise mine, vraiment mauvaise mine. Mais Cordelia ne peut s’empêcher de se faire une réflexion au sujet de cette barbe qui nait sur sa mâchoire carré, et à quel point elle lui sied étonnamment bien le portrait. Peut-être qu’elle aimait tout simplement le voir comme ça. Sale. Dépouillé. Démuni. Châtié. Cet homme à qui on avait tout pris, enfin pas qu’elle ne lui avait laissé grand-chose juste avant. Voilà tout ce qu’il lui restait ; une tenue carcérale de couleur atroce, et une pauvre barbe. Il lui aurait presque fait pitié si elle n’appréciait pas autant la vue. Quand il réalise enfin qui elle est, qu’elle est bel et bien là, elle voit dans son regard terreux une fureur qui fait violence. Immédiatement, la succube brise le silence. « Oh Liam, regarde-toi… » Son timbre de voix, plus rauque que jamais, grésille et témoigne d’une fausse compassion qui est rapidement trahie par un gloussement insolent. « Ou devrais-je dire Nolan? » reprend-t-elle de nouveau, une innocence fallacieuse coincée dans la gorge, qui agrémente ce grain qu’elle a dans la voix.

Elle s’assoit, face à lui. Les mains du détenu sont menottées devant elle, à la table. Ses lippes se courbent de nouveau sous le poids de sa malice, de sa sournoiserie. C’est jouissif de le voir de la sorte, elle ne mentirait pas. Elle apprécie la vue, la savoure dans l’instant présent, avant qu’elle ne reprenne aussitôt. « Quoi? Tu t’attendais peut-être à voir quelqu’un d’autre? » Ses mains, vicieuses et libertines, s’aventurent en terrain hostile, alors qu’elles caressent tendrement celles du ministre. « Une jolie blonde, par exemple. »

La prison, son odeur métallique, son atmosphère poisseuse. J'étouffe, je fatigue. Épuisé par la simple idée de devoir continuer cette routine ridicule je n'attends plus qu'une chose : en finir. Pourtant, ce n'est pas encore pour aujourd'hui. Les gardiens arrivent, hurlent mon nom avec une délicatesse dont eux seuls ont le secret et nous alignent tous. Promenade. Bouffe. Cellule. Douche. Cellule. Promenade. Bouffe. Cellule. Et on recommence. Le programme est simple, il permet de survivre tout en ne nous permettant pas de vivre. C'est pour cela que lorsque l'autre maton qui se croit supérieur me demande de me tenir face au mur de la cellule sans bouger, je ne bronche pas. Il me reste quelques marques sur le corps, sans réelle maltraitance, je dirai qu'il faut des règles dures, voire violentes, pour obtenir ce qu'ils veulent : le calme parfait, pas un mot plus haut que l'autre.

Les apparences, je suis bien placé pour le savoir. Aujourd'hui elles ne m'importent plus, alors je m'exécute, me retrouve rapidement menotté puis poussé brusquement dans ces longs couloirs qui se ressemblent tous. Attaché à la table, je ne demande même pas qui cherche à me voir – ne tarde de toutes façons pas à le savoir. Je relève les yeux sur la brune, sous l'emprise d'une rage de vivre soudaine, ce soupçon pour survivre avant de se noyer définitivement. « Nolan, oui. Je pensais pourtant que plus personne ne ferait la confusion. » Sans un sourire, je garde mes prunelles dans les siennes, l'assassine de cette rage que je ne peux expier nulle part, la culpabilise de toutes les fautes qui pèsent sur mes épaules. « Je ne m'attends qu'au pire ici, pas manqué n'est-ce pas ? », je me rapproche d'elle, laissant les chaînes claquer contre la table dans ce son glacial. « Au lieu de te préoccuper de qui peut bien vouloir me voir, tu peux me dire ce que tu fous là ? » Une pause, simple. « J'ai pas toute la journée, emploi du temps chargé. Donc à moins que tu ne sois venue que pour me voir une dernière fois – ce qui est fait, parle, ou je retourne à mes occupations, de préférence loin de toi. »

 I don’t know whether to call her the devil when she makes me pray hard but sin even harder.

La rage s’asservit du ministre aussitôt qu’il pose ses yeux marron sur l’effigie de la démone. Sans surprise, il est interrompu dans cet élan de frénésie vraisemblablement par ces chaines qui l’amarrent sévèrement à la table devant lui. Ironique puisque même sans ces menottes, Liam se serait probablement modéré et rasséréné devant la sorcière, comme un molosse devant sa maitresse. Après tout, la vie du sorcier n’était-elle pas liée à celle de la brunette? Les véritables chaines, c’était celles-là, celles dont il ne se séparerait jamais, pas même après son petit séjour en prison – et ça, il devait très certainement s’en douter.

Naturellement donc, Cordelia savoure ce tableau jouissant – un rictus malsain peint vermeil sur ses lèvres de sirène. « Je ne m'attends qu'au pire ici, pas manqué n'est-ce pas ? » La remarque ne fait qu’accentuer la courbe sournoise qui blinde son bec, avant qu’elle ne finisse par pincer des lèvres pour dissimuler sa fougue en toute subtilité. « Au lieu de te préoccuper de qui peut bien vouloir me voir, tu peux me dire ce que tu fous là ? » Des questions. Liam n’a que ça à la bouche. Et la sorcière, elle, n’est simplement pas prête à lui faire une telle largesse que de lui concéder les réponses à ces dernières. « Tu sais que l’orange te sied encore mieux que je l’imaginais? » susurre-t-elle, sa lubricité coutumière ciselant de ses lèvres grenat.

La luxure se déchaine dans cette œillade qui longe sur la silhouette du ministre. Dépravation et perfidie miroitent dans le coin de ses prunelles, sur le coin de son rictus également. Mais décidément, le beau brun n’a pas le temps pour les frivolités de la démone. « J'ai pas toute la journée, emploi du temps chargé. Donc à moins que tu ne sois venue que pour me voir une dernière fois – ce qui est fait, parle, ou je retourne à mes occupations, de préférence loin de toi. » La sorcière plisse les bras sous sa poitrine, et hausse un sourcil – une nonchalance odieuse consignée aux traits de son visage. « Tu es drôlement grincheux aujourd’hui, Nolan. » Elle articule le prénom avec toute l’exagération du monde. « Ils ne vous nourrissent pas ici, ou bien? » Son bec se referme aussitôt, esquisse de nouveau l’une des courbes les plus malsaines. La main de la sorcière traverse l’espace qui les sépare, trouve refuge contre les dextres du jeune homme.  « Tu me croirais si je t’avouais que c’est parce que je me fais du souci à ton sujet? » Ses iris marron s’imbibent d’une aménité factice, et la sorcière laisse les mots se perler de ses lèvres avec une douceur insolite…très certainement, car elle n’a rien de sincère.

La remarque de la Sorcière sur la couleur de la tenue me fait esquisser un sourire aussi sarcastique que possible. Décidément, quoi qu'elle veuille, je n'allais pas être débarrassé d'elle en quelques minutes. Je connaissais ce regard, cette attitude, la brune était décidée à m'en faire voir de toutes les couleurs et profiter autant qu'elle le pouvait de sa position de force dans cette situation.

Me reculant plutôt brusquement, laissant mon dos claquer contre la chaise en fer froid, j'observe la succube et ris à sa remarque. « Oh, tu t'inquiètes pour ma condition physique, comme c'est mignon. » Bien sûr, aussi mignon que toute notre relation et que sa capacité à s'occuper d'autre chose que d'elle même. Pourtant, lorsqu'elle se rapproche pour laisser nos mains se toucher, je la laisse faire. Mine de rien, le peu de contact dans ces quatre murs – même venant d'elle, reste agréable. Évidemment, je n'en laisse rien paraître, gardant un visage toujours aussi froid et un sourire en réponse au sien, mes yeux plantés dans ses pupilles.

« Comment ne pas te croire ma douce ? », resserrant ses doigts dans les miens, je me laisse prendre au jeu, laisse mon pouce caresser le dos de sa main avant d'y déposer un baiser et de reprendre, plus ironique que jamais. « Toi qui n'es que compassion, douceur, tendresse et altruisme. Tu te doutes bien que tu es ma seule préoccupation ici, j'ai vraiment peur que tu meurs d'inquiétude durant mon absence tu sais. »

Je lâche sa main, hoche la tête à la négative afin d'en rajouter une couche, un peu plus et je me mettais même à chialer. « Tu veux peut-être qu'on commence une correspondance ? Je t'écrirai des mots d'amour. Tu m'enverras des photos de tes seins. Tu sais, de quoi entretenir la flamme de notre amour. » Mon sourire s'élargit alors que les chaînes claquent désagréablement à chacun de mes mouvements, même infime.

Pourtant, plus doucement, je reprends malgré moi. « Et à part jubiler, t'es venue pour quoi ? »

 I don’t know whether to call her the devil when she makes me pray hard but sin even harder.

Le sarcasme et l’effronterie de Liam ne l’atteignent pas, du moins pas en apparence. Au contraire, au même titre que le premier ministre plus tôt, la sorcière poursuit cette feinte, ce jeu de rôle sans queue ni tête, hypocrite comme eux, et qu’ils alimentent tous les deux lestement. « Après tout, mon cœur, si ce n’est moi, qui d’autre se préoccuperait du fait que tu pourrisses au trou? » laisse-t-elle filer d’entre ses lèvres de vipères, encore bariolées de leur venin. Cordelia connait les faiblesses de Liam comme elle connait le fond de sa poche. Et Liam ne tente même plus de les dissimuler. Pire encore, il peine à camoufler à quel point le simple enchevêtrement de leurs doigts lui apporte une chaleur qu’on lui a proscrite entre les quatre murs de sa cellule et qui, à priori, lui manque plus qu’il ne veut l’admettre. Prévisible. Tu l’es toujours, Liam.

« Tu veux peut-être qu'on commence une correspondance ? Je t'écrirai des mots d'amour. Tu m'enverras des photos de tes seins. Tu sais, de quoi entretenir la flamme de notre amour. » Elle glousse, réellement amusée. C’est bien la dernière chose qu’elle peut reprocher au beau brun. Et pourtant, dans l’esprit de cette joute verbale qu’ils refusent tous les deux véhément de perdre, la succube riposte sans délai, la verve aux lèvres. « Mes seins contre ta prose de sentimentaliste à deux balles et à mourir d’ennui? » Elle roule des yeux, et penche sa tête, appuie sa joue platement contre un poing. « Ça me semble équitable. » crache-t-elle, tout le sarcasme du monde résonnant dans chacun des mots. « Quoique je mentirais si je disais que de te voir ligoté comme ça à une table… ne me donnait pas quelques idées obscènes. » susurre-t-elle, plissant les yeux, raillant le ministre, lui rappelant également la situation – et la position – dans laquelle il se trouve.

« Et à part jubiler, t'es venue pour quoi ? » La brunette se redresse aussitôt, et laisse de nouveau ses deux mains s’aventurer en terrains ennemis, retrouvent les doigts de Liam, qu’elle agrippe comme une prédatrice harponne sa proie entre ses dents.  Elle caresse d’abord le dos d’une d’entre elle, avant de masser tendrement un poignet sur lequel les chaînes ont sévi assidument. « Est-ce vraiment si difficile de croire que je me fais réellement du souci? » feint-elle de nouveau. La succube défait le contact, un rictus malsain naissant peu à peu dans les recoins de son bec. Elle ne laisse qu’un maigre soupir démanteler le court silence pesant, avant de laisser émerger la piètre esquisse de ses intentions. « Je n’ai pas guéri tes blessures par charité – j’ose espérer que tu t’en doutes, Liam. »